Déjà en Juillet 2007, Xavier Darcos, en supprimant la carte scolaire pour permettre aux parents de choisir l’école de leurs enfants disait pudiquement « c’est informer les parents sur les caractéristiques des différents établissements ». Et voilà que se profile un tout autre usage des évaluations : celui du classement comparatif des écoles et des établissements !
En Octobre 2018, en ayant choisi de faire passer les évaluations nationales en CP, en 6e et en seconde, JM Blanquer est en train de créer le « tripadvisor » de l’éducation nationale, là où la fronde avait fait reculer Darcos.
S’il s’agissait de doter les enseignants d’outils capables de les aider à identifier les difficultés de leurs élèves, le ministère aurait pu reprendre et développer les banques d’outils évaluatifs et développer la formation à leur usage, évaluer en fin de cycle ... Mais le rendu lapidaire des évaluations Blanquer ne permet pas d’en faire des outils pédagogiques. Tout au plus de situer globalement les élèves et les classes les uns par rapport aux autres. Du travail et beaucoup de bruit pour un outil dont le bien fondé reste à démontrer au regard de son coût et de ses finalités. D’ailleurs, les évaluations nationales de Sixième en 2017 n’avaient pas permis un meilleur accompagnement des élèves.
Non, ce qui est en jeu est loin de l’annonce d’une action centrée sur l’aide aux élèves par l’identification de leurs difficultés, c’est l’ effet totalement inverse, évaluer, comparer, classer les équipes d’enseignants, les projets des écoles, des collèges et des lycées de la France entière. Les tests nationaux passés, sur support numérique, de surcroît hébergés sur les serveurs d’Amazon (1), ne font que permettre de constituer une banque de données sur les établissements.
Chaque établissement scolaire, chaque école, chaque lycée pourra se voir doté d’un degré de « performance » pour faire progresser les élèves. Une fois rendues publiques, cela facilitera la concurrence entre les établissements, réduisant encore la mixité sociale.
Il est facile de deviner alors les effets d’une telle politique. Il suffit de regarder ce qui s’est passé au Royaume-Uni sur le sujet : des enseignements qui deviennent obsédés par la réussite aux tests et réduisent donc les finalités de l’éducation aux entraînements nécessaires pour obtenir de bons résultats et des écoles qui voient largement s’intensifier les écarts sociologiques entre elles.
En conclusion, ce système évalue les équipes d’enseignants et donne les critères de mérite voulus par le Ministère. Par exemple la nouvelle prime REP+ des collègues pourra être modulée en fonction de ce critère.
Le SNES-FSU est favorable à une évaluation régulière du système éducatif, qui peut cependant passer par des échantillons d’élèves représentatifs, comme pour les enquêtes CEDRE, avec un protocole autrement plus sérieux. Les résultats des évaluations de Sixième ou de Seconde ne doivent pas être rendus publics ni utilisés pour classer les établissements ou leurs équipes.
(1) Amazon fait partie du GAFAM,acronyme des géants du Web, Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft qui sont les cinq grandes firmes américaines (fondées entre le dernier quart du xxe siècle et le début du xxie siècle) qui dominent le marché du numérique, parfois également nommées les Big Four, les Big Five, ou encore « The Five ».