Le Président de la République a annoncé un déconfinement « progressif » à partir du 11 mai. La réouverture des crèches, écoles et établissements scolaires, certes annoncée elle aussi comme progressive, provoque une inquiétude majeure parmi les personnels, les élèves, les parents, les élus des collectivités et l’ensemble de la population. Les déclarations du Premier ministre, des ministres de la Santé et de l’Éducation Nationale ont été depuis floues, contradictoires parfois et n’ont pas été de nature à rassurer. Aujourd’hui, les enseignants sont déchirés entre la peur qu’une reprise favorise le rebond de la pandémie et l’envie de retrouver leurs élèves, leur attachement aux valeurs du service public. L’intervention du Premier Ministre hier soulève, une fois de plus, davantage de questions qu’elle n’apporte de réponses aux légitimes inquiétudes.
L’éducation est un droit et c’est la responsabilité de l’institution de se donner les moyens de garantir ce droit pour tous les élèves. Aujourd’hui, ce droit à l’éducation, dans le contexte de la pandémie est mis à mal par une gestion de la crise peu cohérente et de longues années d’austérité dans les services publics d’éducation. Si nous pouvons partager l’objectif affiché de raccrocher les élèves les plus en difficulté socialement et scolairement, le plan de déconfinement présenté hier à l’Assemblée Nationale interroge. Quel lien entre l’objectif affiché et l’organisation prévue ? Quelle cohérence entre la limitation de 10 personnes maximum partout et 15 élèves dans les classes ? On s’y perd.
Pour la FSU, deux préalables sont indispensables pour qu’une reprise soit possible : la réouverture des écoles, établissements et services n’est envisageable que si et seulement si l’évolution de l’épidémie le permet et si les conditions sanitaires sont optimales.
La réussite de « l’après confinement » passe par une association à toutes les étapes de tous les acteurs, et en particulier de ceux qui ont une expertise sur la réalité du travail, à la réflexion commune. Car au-delà de la nécessaire expertise scientifique, nous aurons besoin de l’expertise des acteurs et actrices que sont les représentants du personnel, qui savent ce qu’il est pertinent de mettre en œuvre, quelles procédures sont adaptées et lesquelles ne le sont pas.
La première et seule priorité qui vaille aujourd’hui, la priorité pour rendre possible et acceptable une reprise de l’activité en présentiel, c’est de mettre en œuvre les conditions garantissant la sécurité et la santé de tous avant toute réouverture, quelle qu’en soit la date. Mais laisser une « souplesse maximum », comme l’a annoncé Édouard Philippe n’est pas acceptable : pour la FSU, il est hors de question de laisser aux équipes sur le terrain inventer les mesures sanitaires à mettre en œuvre. Il ne s’agit pas de se contenter de masques, de gel, de gestes barrières et de distanciation sociale. Des consignes impératives strictes doivent être élaborées au niveau national et mises en œuvre dans les services en impliquant à tous les niveaux les instances consultatives CTA et CHSCT. En consultant aussi les CA et CHS des EPLE, les conseils d’école en prenant soin d’éviter que l’institution, sous couvert de prise en compte de la diversité du terrain, s’en remette à l’autonomie des établissements et fasse peser sur les individus des responsabilités trop lourdes : il faut que le dispositif ait un sens, une cohérence, une logique nationale. Il est nécessaire de prévoir un calendrier de ces instances. Dans chaque établissement, service ou école, pour chaque unité et situation de travail, il faudra avoir vérifié les conditions de respect des règles de sécurité sanitaire. Il va donc falloir aussi mobiliser les assistants de prévention et toutes les ressources dont l’institution dispose et nous pouvons, légitimement, craindre qu’elles seront insuffisantes. La liberté laissée aux familles de continuer « la classe à la maison » ou de renvoyer les enfants à l’école ne doit pas se traduire par un doublement de la charge de travail des enseignants. Ce serait particulièrement problématique en collège par ailleurs, pour un enseignant ayant à la fois des 6°5° et des 4°3° et devant gérer en parallèle deux modalités d’exercice dans l’attente de la reprise de ces derniers niveaux.
Monsieur le secrétaire général, la FSU vous a adressé une liste de questions portant sur la préparation de cette réouverture. 33 points, 43 questions qui s’appuient sur le travail d’environ 200 élus FSU en CHSCT de la France entière et sur les recommandations du conseil scientifique et de l’académie de médecine. Nous nous sommes contentés de vous interroger sur ce que prévoit notre employeur pour anticiper les risques liés à cette reprise, si particulière, de l’activité. Nous en aurions tout une liste encore concernant la gestion à moyen terme (fin d’année scolaire et rentrée de septembre) comme à long terme (jusqu’à ce qu’un vaccin soit disponible pour tous), concernant l’organisation du travail sur la base du volontariat des familles et la continuité pédagogique. Si notre employeur ne peut garantir la protection de ses personnels, protection qui relève de sa responsabilité, la FSU prendra, quant à elle, ses responsabilités vis à vis de la profession qu’elle représente et l’appellera à ne pas reprendre le travail en présentiel.
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