L’intersyndicale éducation exige des moyens massifs pour faire face aux conséquences du confinement dans l’éducation et développer le service public d’éducation à la hauteur des enjeux d’un territoire en grande difficulté.
Comme si de rien n’était …
La rentrée 2020 se prépare dans les Bouches-du-Rhône dans des conditions encore plus dégradées que prévues avant la crise sanitaire du fait des conséquences de celles-ci, comme si de rien n’était. Pourtant la période de confinement a fait exploser la misère et les inégalités dans notre département des milliers d’élèves ont décroché et les dégâts se feront sentir sur le long terme, sur les parcours scolaires, sur la santé physique et psychique, sur les rapports sociaux. La situation sociale et scolaire dans les Bouches-du-Rhône était déjà critique, elle devient intenable. Dans certains quartiers, le tissu associatif est devenu inexistant, faute de subventions publiques, laissant les populations sans aide. Les perspectives d’emploi et d’insertion pour les jeunes sont catastrophiques, et aucun moyen supplémentaire n’est annoncé pour que le système éducatif puisse faire face. Le rattrapage de tout ce qui a été perdu nécessiterait un plan massif de création de postes et de recrutement.
La fermeture, sans aucune anticipation et sans moyens, des écoles et des établissements scolaires, collèges, lycées et lycées professionnels à démultiplié les inégalités liées aux conditions matérielles de vie : logements exigus, matériel informatique obsolète ou inexistant, connexions de mauvaise qualité, absence d’accompagnement par les parents, précarité financière… Dans de nombreux quartiers, ce sont les enseignants qui ont dû, les premiers, assurer la continuité alimentaire pour les élèves des écoles et des collèges pour lesquels la cantine est souvent le seul repas complet de la journée. Dans les lycées professionnels, qui accueillent la proportion de jeunes issus des milieux populaires la plus importante, mais pas seulement, le décrochage est massif. La réouverture des établissements n’a pas permis de reprendre contact avec les élèves qui en ont le plus besoin.
Comme si de rien n’était…
Dans le second degré, seulement 2 emplois d’enseignants supplémentaires sont alloués à l’académie d’Aix Marseille qui devrait scolariser 1669 élèves de plus - l’équivalent de quatre collèges – qui sont pour l’essentiel dans les Bouches-du-Rhône. Pour simplement maintenir un taux d’encadrement stable, il faudrait 140 enseignants de plus. Si l’on devait compenser le déficit accumulé depuis 2017, il faudrait allouer 420 postes d’enseignants en plus à l’académie. Les moyens attribués aux collèges du département pour la rentrée 2020 sont largement insuffisants pour absorber la hausse démographique prévue : alors qu’il faudrait créer 86 emplois pour maintenir le taux d’encadrement et accueillir 1 264 élèves supplémentaires, seuls 21 sont prévus. Rien qu’en REP+, il manque 43 emplois pour faire face à la poussée démographique à la rentrée prochaine ! Les collèges de l’éducation prioritaire sont pour la deuxième année consécutive les grands perdants de l’austérité budgétaire et des baisses de moyens dans le Second degré. Les conséquences sont déjà connues : moins de dédoublements et d’heures en petits groupes, plus d’élèves dans nos classes, un suivi dégradé pour tous les élèves, alors qu’ils auront des mois de cours à rattraper.
Dans le premier degré, le nombre de postes est loin d’être suffisant. Avec 70 postes attribués, l’objectif de « dédoubler » les classes de GS en REP+ est loin d’être atteint. En effet, ce sont 160 postes qui auraient été nécessaires. Cela a provoqué nombre de fermetures de classes qui n’auraient jamais eu lieu dans un autre contexte. Pour ce faire, la DSDEN a supprimé les seuils de fermeture, enlevant toute transparence et équité entre les écoles. L’annonce du ministre Blanquer de ne fermer aucune classe dans les communes de moins de 5000 habitants, en n’allouant que 11 postes supplémentaires aggrave la situation en milieu urbain, particulièrement en éducation prioritaire. Avec une dotation à minima, impossible d’améliorer la situation du remplacement, de reconstruire les RASED (toujours aucun poste de maître G dans le département), de diminuer les effectifs.
La phase d’ajustement de carte scolaire se tiendra fin août cette année, et la DSDEN a déjà indiqué que des fermetures de classes seraient faites à ce moment-là. Cela serait faire fi du travail de préparation de la rentrée, désorganiserait les équipes qui devront revoir toute l’organisation pédagogique, les commandes et, dans un contexte de crise sanitaire et d’une rentrée exceptionnelle, augmenterait les effectifs par classe dans les écoles concernées.
A Marseille, la situation est encore plus grave, à cause du manque de locaux qui s’accentue au fil des ans. Même avec de très forts effectifs, le nombre d’écoles dans l’incapacité d’ouvrir une classe supplémentaire faute de local disponible ne cesse d’augmenter. Cette situation, auparavant concentrée dans l’hypercentre ville, s’étend maintenant aux secteurs de la Capelette, comme de l’Estaque. Les écoles sont de plus en plus vétustes, et les problèmes liés à l’amiante se multiplient.
Comme si de rien n’était…
Non seulement le gouvernement et le ministère de l’éducation nationale ne prévoient pas une création exceptionnelle de postes pour lutter contre le naufrage scolaire mais ils continuent d’appliquer des réformes délétères et rejetées par toute la communauté éducative. En lycée professionnel, la mise en place de la réforme se poursuit, fragilisant la voie professionnelle au profit de l’apprentissage – pour lequel le ministère du travail annonce un milliard d’euros - , alors que les abandons y sont plus fréquents que dans les lycées professionnels, et que les discriminations y sont fortes à l’endroit des jeunes issus de l’immigration et des quartiers populaires, comme des filles. Dans les lycées généraux et technologiques, la réforme du lycée et du baccalauréat réduit les heures d’enseignement, impose des programmes surchargés et élitistes, fragilise à l’extrême la voie technologique pourtant voie de réussite pour les élèves des milieux populaires, et aggrave la concurrence entre les établissements. Les collèges ont de moins en moins d’heures en effectifs réduits, et les collèges de l’éducation prioritaire subissent de plein fouet les suppressions de moyens. La réforme de l’éducation prioritaire annoncée vise une nouvelle réduction du périmètre concernée, et la confusion entre les domaines de compétence de l’État et des collectivités territoriales, sans envisager de reconstruire une carte élargie des lycées de l’éducation prioritaire.
Comme si de rien n’était…
Pire, le gouvernement et son ministère profitent de la crise pour accélérer ses projets de destruction du service public d’éducation, comme en témoigne le dispositif 2S2C. Présenté comme une réponse à l’impossibilité d’accueillir tous les élèves du fait des mesures sanitaires, ce dispositif est en réalité le cheval de Troie du transfert aux collectivités locales de compétences de l’éducation nationale, notamment concernant l’éducation physique et sportive et l’accès aux pratiques artistiques, à la culture en général. Prémices d’une rupture du droit à l’éducation, d’une offre dégradée aux élèves et aux familles, et d’inégalités accrues sur le territoire par les écarts de richesse et d’engagement des collectivités territoriales, les menaces sur la neutralité du service public sont fortes lorsqu’on imagine confier aux communes l’éducation à la citoyenneté !
Dans un territoire marqué par la plus grande pauvreté et les plus fortes inégalités du pays, nous n’acceptons pas que les autorités détournent les yeux et continuent de faire comme si de rien n’était. Nous exigeons au contraire que des moyens soient donnés pour un plan d’urgence pour l’éducation. Il faut dès maintenant prévoir pour la rentrée 2020 :
• L’arrêt des suppressions de poste en particulier en REP+
• L’augmentation du nombre de postes de remplaçants titulaires, afin de pourvoir aux remplacements nécessaires tout au long de l’année scolaire
• L’augmentation du nombre de postes d’infirmièr.es, médecins scolaires et assistant.es sociales
• Le développement de la médecine de prévention à destination des personnels à hauteur des besoins
• Un plan de titularisation des enseignants contractuels
• Augmentation du nombre de postes de personnels administratifs
• Augmentation du nombre d’agents des collectivités territoriales
• L’allègement des effectifs à tous les niveaux de classe
• Le développement des RASED
• La reprise du dispositif « Plus de maîtres que de classes »
• Le développement des CIO et des postes de PSY-EN
• L’ouverture de dispositifs ULIS et UPE2A, afin de couvrir tous les besoins d’aides spécifiques des élèves sur le temps scolaire
• L’accueil de tous les mineurs isolés dans les établissements scolaires
• Une carte nationale élargie de l’éducation prioritaire intégrant les LGT et les LP
• L’abandon du dispositif 2S2C
• La rénovation du bâti scolaire et construction d’établissements à hauteur des besoins
Au-delà il y a urgence à décider pour Marseille :
• La programmation d’ouvertures d’écoles publiques en nombre suffisant dans les quartiers et territoires en expansion démographique ou sous dotés, notamment les quartiers du IIe et IIIe arrondissement. La rénovation des écoles insalubres et un plan d’équipement et de modernisation de toutes les écoles qui en ont besoin.
• La construction de plusieurs collèges publics sur l’aire marseillaise, dotés des emplois afférents
• La construction d’équipements sportifs et de piscines accessibles aux élèves dans tous les quartiers de la ville
• Le développement du transport scolaire urbain facilitant le déplacement des lycéens et des étudiants vers les établissements scolaires
• L’enrichissement de l’offre de formation générale, professionnelle et technologique initiale dans les lycées des quartiers Nord et Est de la ville pour permettre l’accès aux qualifications pour les garçons et les filles