Editorial du journal SNES Aix-Marseille du mois de janvier 2015, suite aux actes terroristes des 7, 8 et 9 janvier 2015.
« Si vous trouvez que l’éducation coûte cher, essayez l’ignorance ! » Abraham Lincoln, d’une sinistre justesse !
Ils ont essayé l’ignorance.
Ils ont essayé la pauvreté.
Ils ont essayé les ghettos.
Et des enfants de la République deviennent des assassins fanatiques.
La société demande des comptes. « L’école n’est pas à la hauteur », a osé dire la Ministre devant le Parlement. Pas à la hauteur ?
Accroissement des inégalités, déterminisme social, chômage chronique, communautarismes : fatalités ?
Qui a prétendu que le rôle de l’école devenait marginal dans une société de la communication où tous les savoirs étaient à disposition sur internet ? L’élève allait se former, se socialiser, devenir citoyen par lui-même. Publics hétérogènes, cadre uniforme : réduction du nombre d’heures de classe, perte des dédoublements, effectifs chargés... Au début des années soixante-dix, un professeur de français effectuait la totalité de son service avec deux sixièmes. Aujourd’hui, il a quatre classes. Le temps scolaire s’est réduit au profit des temps de la rue, des écrans, des réseaux sociaux. Nos jeunes s’imprègnent de théorie du complot et rapportent à l’école un fatras d’informations. Mais qu’ils nous en posent, des « questions insupportables », et que l’on nous donne les moyens laïques de leur apporter des réponses républicaines !
Or, le professeur a perdu son statut social, la profession n’a plus voix au chapitre et notre système éducatif est depuis de trop longues années piloté par les comptables. Managers aux yeux rivés sur les indicateurs de performance, baisse artificielle du redoublement, rendement du remplacement...
Dans une démarche d’autojustification, ou bien par simple démagogie, les taux de réussite ont été gonflés, consignes données aux jurys, pressions sur les conseils de classe, dernier mot aux parents...
Peu importe que, diplôme en poche ou pas, aucune insertion professionnelle ne soit disponible, et que la frustration s’installe. Peu importe, car l’école, comme les autres Institutions, ne prépare plus l’avenir, elle gère le présent. Elle gère des flux, avec efficience mais sans efficacité.
La priorité à la jeunesse ? Dans les collèges et les lycées, rien n’a changé depuis 2012, comme s’il n’y avait pas urgence à faire de l’adolescence une priorité nationale. Générations sacrifiées ...
Les marches citoyennes du 11 janvier 2015 marqueraient-elles la prise de conscience que la chose publique, la politique (mais aussi le syndicalisme), ce n’est pas que la gestion du quotidien, qu’il faut renouer avec un projet d’avenir pour notre société, pour nos jeunes ?
La baisse des dépenses publiques n’est pas une fin en soi. Si l’école est au cœur du lien social, alors cela doit se traduire enfin dans les décisions politiques, dans les faits. Les professeurs n’ont jamais cessé de le dire, haut et fort ! Au SNES-FSU, nous voulons qu’ils soient enfin entendus.
Laurent Tramoni, Stéphane Rio, Séverine Vernet, Julien Weisz, Caroline Chevé, Magali Bailleul