Une rentrée déconcertante, un système éducatif à la croisée des chemins
La rentrée scolaire 2016 était attendue : dernière rentrée du quinquennat, réforme du collège, suppression du redoublement, hausse du nombre d’élèves ... Quel premier état des lieux en faisons-nous, après 15 jours ? La rentrée scolaire 2016, c’est une rentrée déconcertante.
Rentrée 2016 : de demi-teintes en faux-semblants
Bien sûr, ce n’est pas la catastrophe annoncée, et Madame la Ministre ironise : les langues anciennes et l’Allemand n’ont pas disparu ! Nous n’avons pas la mémoire courte, et nous savons le chemin parcouru depuis les premières annonces d’avril 2015 : c’est par nos actions que nous avons contraint le Ministère à reculer sur plusieurs points !
Nous pouvons en effet nous féliciter d’une application a minima de la réforme Collège 2016. C’est à mettre à l’actif de GrainS de Sable. Dans la majeure partie des collèges de l’académie, les préconisations pédagogiques de la réforme ne sont que très partiellement suivies, la bureaucratie pédagogique (conseils et coordonnateurs de toutes sortes) repoussée. Pour autant, il ne faut sous-estimer ni la fragilisation des enseignements disciplinaires, ni la réduction du temps scolaire, ni l’avènement de l’autonomie des établissements. Collège 2016, c’est bien une réduction de 4 h 1/2 des horaires hebdomadaires de nos quatrièmes et troisièmes, un mois d’école en moins en cumul sur ces deux années. Collège 2016, c’est aussi une mise en œuvre différente d’un collège à l’autre.
C’est pour rappeler ces faits que le SNES-FSU, avec la CGT’Educ’Action, Sud Education et FO, a osé appeler à la grève le jeudi 8 septembre 2016, afin d’avoir accès aux médias en cette période de rentrée et répondre au marketing ministériel. Le SNES-FSU reste maintenant vigilant et disponible, en particulier à travers la résistance pédagogique et les Etats Généraux du Collège le 10 octobre 2016, avec une profession qui reste mobilisée pour des enseignements de qualité, démocratiques mais exigeants.
D’autant que nos conditions de travail se compliquent à cette rentrée.
En collège, les professeurs en savent quelque chose, eux qui inaugurent de nouveaux programmes pour les quatre niveaux.
En lycée, les professeurs en savent quelque chose, eux qui voient les effectifs des classes augmenter, faute d’anticipation de la hausse démographique. La suppression du redoublement a en partie permis de masquer le phénomène, mais à quel prix ? Aucune alternative n’est proposée aux élèves fragiles, et certaines séries du lycée sont contraintes, plus encore qu’hier, d’accepter des orientations par défaut. Le SNES-FSU appelle les personnels à se mobiliser pour défendre le droit des collégiens de l’éducation prioritaire à poursuivre leur scolarité dans des lycées généraux, technologiques ou professionnels maintenus en Education prioritaire, alors que Madame la Ministre annonce leur prochain déclassement.
Les personnels de vie scolaire en savent aussi quelque chose, eux qui sont en première ligne pour assurer la sécurité des élèves et des personnels tout en maintenant la sérénité nécessaire à l’enseignement. Aucun poste de CPE créé à cette rentrée, et seulement 25 emplois d’AED de plus pour près de 400 établissements, on mesure l’imprévoyance du ministère et l’écart entre les discours et les actes. C’est dans cet écart que s’engouffrent les collectivités territoriales à grands renforts de portiques, de cameras de vidéosurveillance et d’appel aux agents territoriaux à identifier les personnes en voie de radicalisation...
Dans le contexte actuel, nous aurions tant besoin d’équipes pluri-professionnelles complètes et stables dans nos établissements scolaires pour suivre nos élèves au plus près de leurs besoins réels : des psychologues de l’Education Nationale en plus grand nombre (les discussions sur leur nouveau statut sont enfin en phase conclusive), des assistants sociaux et des médecins scolaires plus nombreux, des personnels de vie scolaire, AED ou AESH, au statut plus pérenne et aux droits confortés. Le SNES-FSU entend relancer dans le cadre intersyndical les mobilisations pour que ceux-ci obtiennent satisfaction dans leurs revendications.
Des carrières à la croisée du chemin
Après 70 000 suppressions de postes entre 2007 et 2012, 40 000 postes ont bien été créés depuis 2012. Mais la crise de recrutement que connaissent nos métiers n’est pas résorbée. 20 % des postes mis au concours ont cette année encore été perdus faute de candidats. Conséquences ? Très certainement une réduction drastique de l’offre de formation à la rentrée 2017, sur laquelle travaillent déjà les rectorats. Mais aussi le recours à la précarité, qui perdure. Sur ce dossier, il faut mettre à l’actif du SNES-FSU l’amélioration du reclassement en 2015 et la publication des nouveaux textes concernant les personnels non-titulaires, textes qui vont permettre d’améliorer les conditions d’exercice et de rémunération.
Il y a urgence à revaloriser nos professions et à rétablir notre pouvoir d’achat. Les réactions hostiles à la suppression en fin d’été de la prime annuelle de 500 € contre l’acceptation de 3 HSA, illustrent cette tension due à l’insuffisance du traitement. Pour autant, le SNES-FSU assume pleinement son vote en soutien à cette décision actée au parlement lors du vote du budget 2016 de la Nation. Rappelons que le comité technique ministériel est une instance consultative et non décisionnaire.
Le dégel du point d’indice, et son augmentation de 1.2% qui sera complète au 1er février 2017, fait passer la valeur annuelle du point de 55.5635 € à 56.2323 €. Le salaire mensuel brut d’un certifié au 7° échelon passe donc de 2 292 € au 1er février 2016, à 2 319 € au 1er février 2017, soit une augmentation annuelle de 330 €. Pour un certifié au 10° échelon, ce gain annuel est de 409 €, pour un agrégé au 10° échelon, il est de 523 €. Ce dégel est cependant insuffisant au regard des pertes de pouvoir d’achat antérieures, et des hausses des cotisations retraites décidées en 2010 dans le cadre de la réforme Woerth des retraites. Il est pour autant à mettre à notre actif et il montre que nous devons continuer à revendiquer pour nos salaires.
PPCR : + 3 % pour les carrières de tous
Plus encore, c’est dans les discussions qui font suite au protocole Parcours Professionnels Carrières et Rémunérations, protocole PPCR que la FSU avait acté positivement en septembre 2015, que se joue l’avenir de nos rémunérations.
Si le Ministère communique de façon surprenante sur le salaire au mérite, il importe de signaler que les distinctions salariales entre collègues, selon leur évaluation, sont pour l’essentiel reportées en fin de carrière par le biais de la création d’un troisième grade, la classe exceptionnelle, accessible après la hors-classe. En 2020, au terme d’un processus entamé au 1er septembre 2017, 10 % du corps, c’est-à-dire un tiers des collègues actuellement à la hors-classe, auront accédé à ce nouveau grade. Pour les certifiés, c’est un débouché de carrière qui ouvre aux indices actuels de fin de carrières des agrégés.
La classe normale est revalorisée en moyenne de 3 %, et elle est moins discriminante. A compter du 1er septembre 2017, il faudra en effet entre 24 et 26 ans pour la parcourir, l’amplitude étant à ce jour de 10 ans. Dans la nouvelle carrière, tous les collègues auront cumulé au moins 149 274 points d’indice en 24 ans. Actuellement, en moyenne (avancement au choix), un certifié a cumulé 145 149 points d’indice après 24 ans.
Le SNES-FSU revendique le rythme le plus favorable pour tous, et non le rythme moyen. Mais le Ministère fait valoir qu’à l’heure actuelle, seulement 2% de nos collègues parcourent toute la carrière au grand choix. Le SNES-FSU souligne les insuffisances du projet ministériel pour la carrière des agrégés.
Par ailleurs, un point fondamental concerne l’accès à la hors-classe. Le Ministère de l’Education Nationale, suivant les engagement pris par le Ministère de la Fonction publique, s’engage à ce que tous les agents parcourent au moins deux grades durant leur période d’activité. Cela signifie concrètement que tous les collègues devront pouvoir accéder à la hors-classe assez tôt pour atteindre le haut de la grille avant le départ en retraite. Le SNES-FSU demande que cet engagement soit inscrit dans le statut et œuvre pour des circulaires de promotion qui concrétisent cet engagement dès 2017. Actuellement, il est à mettre à l’actif des élus du SNES-FSU dans les commissions le fait que 80 % des collègues partent à la retraite en étant à la hors-classe, mais une minorité seulement atteint le haut de la grille. La hors-classe pour tous serait l’aboutissement de 30 ans de lutte syndicale.
L’évaluation : un dossier sensible
Parallèlement au dossier PPCR, le Ministère entreprend de réformer l’évaluation des professeurs.
Nous actons positivement le souci d’un meilleur accompagnement des professeurs, mais nous soulignons qu’il suppose un saut qualitatif et quantitatif important de la formation continue. Nous actons également positivement la double évaluation pour les CPE.
Le SNES-FSU prend acte du maintien du rôle spécifique dévolu à l’Inspection Pédagogique, contrairement à ce qu’entendait mettre en place le Ministre Luc Chatel en 2012. Les équipes de directions n’ont pas compétence pour évaluer le travail d’enseignement disciplinaire dans la classe, avec les élèves, en lien avec le programme.
Mais nous considérons que le remplacement de la notation par une grille de compétences brouille le lien entre évaluation et carrière, mais aussi la distinction entre évaluation pédagogique et administrative. La rédaction d’un bilan professionnel, exercice formel superflu, la grille de compétences, les entretiens professionnels non encadrés par les textes, risquent en outre d’accroître la pression managériale et le regard intrusif des personnels de direction sur la pédagogie.
Le SNES-FSU consultera la profession et appelle à la vigilance autour des discussions qui vont se dérouler durant la deuxième quinzaine de septembre 2016.
On le voit, le syndicalisme reste d’actualité. Il agit sur des dossiers concrets qui engagent le quotidien de chacun de nous. Dans ces temps troublés de montée des tensions, de repli sur soi et d’exaspération des différences, la tentation de l’individualisme et de la division est forte. Les prémices des campagnes politiques qui vont rythmer l’année 2017 favorisent la division.
Faire le choix du syndicalisme majoritaire, c’est refuser le chacun pour soi.
Faire le choix du SNES-FSU, c’est affirmer que nous sommes plus forts, nous sommes meilleurs, lorsque nous sommes rassemblés.
Laurent Tramoni, secrétaire académique du SNES-FSU Aix-Marseille